depuis Noé ; le ciel avait ouvert toutes ses cataractes : on eût dit un immense fleuve se précipitant d’en haut, et comme nous n’avions pour tout parapluie que nos hâtons ferrés, l’eau nous coulait par le col de la chemise jusque dans nos bottes. Le vent se lamentait en longs gémissements ; la pluie oblique, crépitant comme la grêle, nous fouettait en plein le visage ; les torrents bondissant dans leur lit de granit poussaient d’affreux beuglements, et la voix rauque et puissante du tonnerre dominait par intervalles tous ces bruits formidables.
La rivière du Bastan, gonflée par les mille cataractes qui ruisselaient en nappe le long des rochers, était devenue un fleuve furieux et portait le ravage au-dessus de ses digues. Elle charriait des arbres entiers, dont les branches étaient frangées d’une blanche écume qui formait comme des rubans d’argent ; ces arbres, déracinés ou brisés par le vent, bondissaient d’un écueil à l’autre, tantôt plongeant dans des gouffres profonds, tantôt reparaissant… nantes in gurgite vasto.
La pluie cessa subitement, les nuages s’entr’ouvrirent par places, découvrant çà et là un pan de ciel bleu. Quelques aigles fendaient l’espace en glapissant. Une lumière timide baignait les cimes des montagnes. Les roches humides ne répandaient