à une hauteur de près de trois mille mètres.
Le vaste tableau que nous avions sous les yeux était complètement désert ; plus de sapins, plus de rhododendrons ; partout la neige nous cachait la chétive végétation de ces lieux élevés, et nous offrait l’aspect désolé du Groënland ou du Spitzberg. Nous choisîmes l’endroit où nous étions arrivés pour faire une halte. Il était neuf heures. C’est sur ce plateau que l’on déjeune d’habitude. Mes guides se conformèrent à la coutume, et en conséquence nous y établîmes notre tente. Ce ne fut pas long : trois bâtons ferrés plantés dans la neige, un chapeau couronnant chaque bâton, et nous voilà campés. Nous nous mîmes il table sur des pointes de rocher, comme l’oiseau de Jupiter. Michel ouvrit gravement le sac aux provisions, fit sauter le bouchon de la bouteille, et me présenta le verre : « Après vous, Monsieur ! » Michel exhiba religieusement les provisions l’une après l’autre, et les étala méthodiquement sous nos yeux. Et chacun de s’épanouir à la vue de ces mets réconfortants… Je ne décrirai point notre repas sur la montagne. Qu’il me suffise de dire que la plus franche gaieté ne cessa de régner pendant tout le festin, et que, s’il y manqua quelque chose, ce ne fut pas cet assaisonnement que le philosophe grec recommandait à Denys le tyran.