Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
de paris à bordeaux et à vichy

suis obligé de lui rappeler que, chef de l’État, j’ai le droit de connaître la vérité.

Il me dit que M. Mandel a fait rassembler des armes en vue d’un putsch.

— Quelle preuve en a-t-on ?

— C’est un journaliste qui l’a dit.

— Son nom ?

— Un illustre inconnu.

Je congédie mon interlocuteur en lui conseillant de poursuivre l’enquête avant de rien faire de définitif.

J’appelle également le général commandant la région pour être informé des conditions dans lesquelles a eu lieu l’arrestation. Très réservé, il répond à peine. Je suis obligé de le mettre en confiance, de lui dire que je ne suis pas un juge d’instruction, mais un chef d’État soucieux de connaître les événements graves de la vie nationale.

J’allais prier le maréchal qui avait sa résidence à l’hôtel du corps d’armée voisin de la préfecture de venir me parler quand j’apprends qu’il est en train de recevoir M. Mandel lui-même. Quelques instants après, on m’informe que l’incident est réglé.

M. Mandel se présente en effet à mon cabinet ; il me raconte toute cette histoire rocambolesque et me lit la lettre d’excuses que le maréchal lui a écrite de sa main.

Cet incident montre, parmi d’autres, l’état d’énervement dans lequel on vivait. Il fallait un grand empire sur soi-même pour garder son calme et son sang-froid. Malheureusement, beaucoup en manquaient.

18 juin. — Conseil des ministres à 11 heures. Le général Weygand expose la situation militaire. Elle se révèle toujours plus alarmante. L’armée allemande traverse la Loire et progresse vers le sud ; à l’est, elle atteint la Haute-Saône.

On envisage les conditions possibles de l’armistice, notamment la question de la flotte qui, en aucun cas, ne doit être laissée à la disposition de l’Allemagne ; ainsi en décide l’unanimité du Conseil.

On discute aussi sur le maintien du gouvernement dans la métropole ou sur son départ en Afrique du Nord. Je