Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
témoignage

général du ministère des Affaires étrangères ; il insiste pour qu’on ne fasse rien qui puisse aggraver encore la situation déjà si tendue entre la France et l’Angleterre.

MM. Laval et Marquet se retirent dans un mouvement d’humeur. À minuit, le Cabinet est constitué ; les décrets de nomination pourront paraître le lendemain au Journal officiel.

17 juin. 10 heures. — Conseil des ministres. M. Baudouin, ministre des Affaires étrangères, met le Conseil au courant des démarches entreprises. À minuit, il a convoqué successivement les ambassadeurs d’Espagne et d’Angleterre et le chargé d’affaires des États-Unis. Il a prié M. de Lequerica de solliciter son gouvernement d’intervenir auprès du gouvernement allemand pour connaître les conditions auxquelles ce dernier serait disposé à arrêter les hostilités. Le Nonce apostolique fera la même démarche auprès du Saint-Siège en vue de saisir le gouvernement italien.

Midi 30. — Communication radiodiffusée du maréchal Pétain :

« J’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France… Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur… C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut tenter de cesser le combat… Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’obéir qu’à leur foi dans le destin de la patrie. »

Moment angoissant entre tous. Les Français connaissent la plus grande douleur de leur vie. Ce ne sont que visages baignés de larmes, poings crispés, colères rentrées. Hé quoi ! que s’est-il passé pour qu’en si peu de temps la France soit tombée si bas ! Partout une grande lassitude, un profond découragement.

Un incident allait aggraver encore la situation. Vers 14 heures, le secrétaire général m’annonce l’arrestation de M. Mandel et du général Buhrer, directeur des troupes coloniales. Je fais venir M. Alibert, sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil. Je l’interroge. J’ai devant moi un homme embarrassé, au visage fermé. Il ne répond pas. Je