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de paris à bordeaux et à vichy

L’Allemagne ne pouvait accepter sans protestation cette livraison d’armes à ses ennemis ; un conflit en devait résulter (ce qui advint plus tard).

Ce n’est pas peu de chose pour la France continuant la guerre d’espérer pour l’avenir le concours de la grande démocratie américaine. Il n’empêche que, dans l’extrême péril où elle se trouve, elle ne peut attendre d’outre-Atlantique un secours immédiat. Je dois dire que l’impression produite par la lecture du message est plutôt déprimante.

Le président informe ensuite le Conseil que le Cabinet britannique n’a pas approuvé la position prise par M. Churchill et ses deux collègues au Conseil suprême de Tours. Cette nouvelle jette également un froid.

Il faut noter aussi, pour bien apprécier l’atmosphère dans laquelle se déroulent ces réunions successives, qu’en cours de délibération on nous communique des télégrammes de plus en plus alarmants venus de l’armée et accusant une pression accrue de l’ennemi. Ainsi ce même jour on me remet un message téléphoné du général Georges au général Weygand disant :

« 17 heures. — Situation encore aggravée. À l’est, lisière nord Dijon et front de la Saône atteints par l’ennemi. Au centre, colonnes blindées nombreuses, direction La Charité menacent enveloppement G. A. 3. Forêt Fontainebleau occupée. Grave situation de ravitaillement pour troupes et populations civiles repliées. Manœuvres difficiles en raison embouteillement des routes et du bombardement des voies ferrées et des ponts. Nécessité absolue prendre décision. Signé : général Georges. »

Il fallait une grande force d’âme pour garder sa liberté de pensée devant les nouvelles désastreuses venues de toutes parts.

M. Reynaud donne ensuite connaissance de la proposition qu’il vient de recevoir de M. Churchill concernant la formation par la France et la Grande-Bretagne d’une union indissoluble. Les deux nations seront réunies en une, avec des organismes communs pour la défense nationale, la politique étrangère, les finances et l’économie. Les citoyens français recevront la jouissance de la citoyenneté britannique,