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témoignage

Le président du Conseil observa :

— Si la capitulation est inscrite dans la convention d’armistice, vous y opposerez-vous comme contraire à l’honneur de l’armée ?

Le général :

— Je le dirai à ce moment-là.

Et moi de reprendre aussitôt :

— Non, c’est tout de suite qu’il faut le dire.

M. Reynaud proposa de donner un ordre écrit au général afin de prendre pour lui la responsabilité de la capitulation. Le général refusa.

16 juin. — Dans la matinée, le président du Conseil a prié les présidents Jeanneney et Herriot de venir le voir pour avoir leur avis sur la question du transfert du siège du gouvernement hors de Bordeaux, conformément à la loi. Tous deux opinent pour le transfert. À la demande de M. Reynaud, ils viennent renouveler leur avis devant les ministres réunis pour un prochain Conseil, en spécifiant que dans leur pensée cette décision implique la continuation de la résistance.

Conseil des ministres à 11 heures. Le maréchal se lève dès le début et lit une lettre de démission. On a déjà trop tardé, dit-il. Il faut en finir, sinon il ne prend pas la responsabilité de rester au gouvernement. Il se dispose à sortir.

Le président du Conseil lui demande d’attendre au moins la réponse de l’Angleterre espérée d’heure en heure. Moi-même je l’invite à réfléchir encore avant d’accomplir son geste. Il y consent.

À 16 heures, nouveau Conseil des ministres. Le président donne lecture du message du président Roosevelt.

Ce dernier dit son admiration pour le courage déployé par les armées françaises. Il promet l’envoi aux armées alliées d’un matériel de guerre de plus en plus important, aussi longtemps qu’elles lutteront pour la défense de la liberté. Il assure que le gouvernement des États-Unis ne reconnaîtra pas le résultat des conquêtes territoriales effectuées au moyen d’une agression militaire. Il ne saurait d’ailleurs prendre aucun engagement pour l’entrée en guerre, le Congrès ayant seul le pouvoir de le faire.