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de paris à bordeaux et à vichy

Quant à l’argument de la dissociation de l’armée du fait de la prolongation des hostilités et des inutiles pertes en hommes qu’elle entraîne, il répète que la demande d’armistice n’est en rien un remède à cette situation, puisqu’il faudra au moins quatre jours pour l’obtenir (en fait il en a fallu huit), à supposer que les conditions d’armistice soient jugées acceptables.

La seule solution raisonnable est que, comme en Hollande, l’armée dépose les armes sans que le gouvernement demande, l’armistice.

Le maréchal Pétain paraît convaincu. On le prie de se retirer un instant pour persuader à son tour le généralissime qui se tient à la disposition du Conseil. Il rentre un quart d’heure plus tard, ayant malheureusement été retourné par son interlocuteur.

La discussion se poursuit. M. Chautemps, appuyé par un de ses collègues, propose de demander à l’Allemagne les conditions auxquelles elle accepterait de cesser les hostilités. Si elles sont trop rigoureuses, le pays comprendra qu’on ne peut s’engager dans cette voie et le gouvernement sera habilité à poursuivre la lutte, quoiqu’il advienne.

Cette proposition semble trouver un écho favorable dans une partie du Conseil. M. Reynaud proteste et menace de démissionner. Envisageant moi aussi mon propre départ, j’insiste vigoureusement pour l’abandon d’un tel projet qui ne peut que compliquer une situation déjà si trouble.

On se sépare dans l’attente de la réponse du président Roosevelt.

Il a été parlé d’une altercation Reynaud-Weygand. Elle n’a pas eu lieu au Conseil des ministres auquel n’assistait pas le général. Elle s’est déroulée avant le Conseil, dans le cabinet du président.

Elle s’est renouvelée en partie le lendemain 16 avant le dernier Conseil de M. Reynaud. J’avais rencontré le général Weygand dans la salle voisine de celle où allait se réunir le Conseil. Il me disait à nouveau sa conviction que si les hostilités ne cessaient pas aussitôt, on devait craindre une désagrégation de l’armée. Il ajoutait que la capitulation serait contraire à l’honneur du drapeau.