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témoignage

nion personnelle à faire ratifier par le Cabinet britannique.

Que fut-il dit exactement au cours de ces conversations au sujet de la flotte de guerre française ? Fut-il question de son envoi dans les eaux anglaises comme condition sine qua non de l’abandon de la convention du 28 mars, ou plus simplement envisagea-t-on les précautions à prendre pour éviter qu’elle ne tombât aux mains de l’ennemi ? Les propos échangés ensuite à ce sujet dans les milieux français ne cadrent pas avec ceux de M. Churchill, notamment dans son discours aux Communes du 4 juillet 1940.

Ce que je puis dire, c’est que le récit fait au Conseil par son président donne l’impression d’une très grande compréhension des ministres anglais à l’égard de la France et ne fait pas allusion à l’envoi de la flotte dans les ports britanniques.

M. Reynaud termine en invitant le Conseil à tenir ferme sur la position de la veille contraire à la demande d’armistice.

Le général Weygand renouvelle ses objurgations antérieures ; il insiste pour la cessation immédiate du combat. Sinon, les pires aventures peuvent advenir.

Une nouvelle discussion s’ouvre où les ministres gardent à peu près la même attitude. M. Bouthillier appuie la demande d’armistice. Il lit une note rédigée en termes qui surprennent plusieurs de ses auditeurs. Il conclut en indiquant que le Conseil ne s’est pas prononcé la veille contre l’armistice.

Je suis obligé d’apporter une affirmation contraire en faisant appel au témoignage du général Weygand lui-même.

Le maréchal Pétain lit à son tour une déclaration où apparaissent les deux principes qui vont désormais guider son action : a) en aucune circonstance le gouvernement ne doit quitter le territoire métropolitain ; abandonner la France malheureuse, c’est tuer son âme, c’est la livrer à l’ennemi ; b) le renouveau ne peut venir d’une reconquête de notre sol par des canons alliés dans un délai impossible à prévoir (c’est cependant ce qui advint) ; il sera le fruit de la souffrance imposée à la patrie et à ses fils et supportée vaillamment par tous.

Cette intervention ne parvient pas à changer l’attitude