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de paris à bordeaux et à vichy

d’Italie pour chercher dans les repaires de la Germanie un refuge passager[1].

Comme ils doivent lui paraître loin les jours où, en pleine Chambre des députés et sans que le président de l’Assemblée réprimât d’un mot une pareille agression, il faisait retentir par ses fidèles fascistes le quadruple cri de guerre : « Nice, Savoie, Corse, Tunisie ! » L’écho vengeur lui répond aujourd’hui : « Sardaigne, Elbe, Sicile, Tripoli ! »

13 juin. — M. Reynaud, accompagné de M. Mandel, a un entretien à la préfecture de Tours avec M. Churchill, lord Halifax, chef du Foreign Office, et lord Beaverbroock, ministre de la Production aéronautique.

En attendant, les ministres français se promènent par groupes dans le parc de Cangé, anxieux du temps qui passe sans apporter de nouvelles.

À 18 heures arrivent MM. Reynaud et Mandel. Ils annoncent que les ministres anglais ne viendront pas ; ils ont repris l’avion pour Londres.

M. Churchill avait-il promis la veille d’assister à un Conseil suprême, ce qu’il a fait, ou à un Conseil des ministres ? Ce point reste douteux. En tout cas, une grande déconvenue se manifeste au Conseil. M. Chautemps prononce des paroles amères ; des ministres lui font écho. Ils auraient été heureux de prendre contact avec les hommes d’État britanniques en cet instant critique où la France était en péril de mort. Peut-être d’ailleurs leur présence eût-elle raffermi une résistance à laquelle ils attachaient tant de prix.

Le président du Conseil rend compte de la réunion du Conseil de Tours. Les ministres britanniques mis au courant de la grave situation où sont les armées françaises promettent l’envoi des renforts actuellement disponibles, très insuffisants d’ailleurs pour changer quoi que ce soit au cours de la lutte. Ils ajoutent que si la France est contrainte de signer une paix séparée — ce qu’ils ne croient pas — l’Angleterre n’accablera pas son alliée malheureuse. Dans la victoire qu’elle espère, elle rétablira la France dans son intégrité et son indépendance. Telle est du moins leur opi-

  1. Écrit en 1944.