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de paris à bordeaux et à vichy

sont trop profonds pour qu’on puisse s’associer aux joies et aux beautés de la nature.

11 juin. — Installation des services en vue de l’organisation du travail et de la tenue du Conseil des ministres. Des bruits divers courent, concernant notamment l’attaque aérienne du château où habite le président du Sénat. J’envoie une reconnaissance. Ces bruits sont faux. D’autres viendront sans cesse troubler les esprits. Il faut veiller pour s’en défendre.

Bombardement nocturne de l’aérodrome de Tours tout voisin de Cangé.

12 juin. — Conseil des ministres. Le général Weygand y assiste. Il fait un récit précis et objectif des opérations depuis le jour où il a pris le commandement des armées. Il conclut en disant que l’armistice s’impose. Il ajoute quelques propos sous une forme discrète pour dire qu’il faut aussi songer au maintien de l’ordre dans le pays ; si on laisse l’armée se désagréger plus profondément, elle ne sera plus en état de remplir cette mission. Cette allusion inattendue n’est pas sans surprendre la plupart des membres du Conseil.

Le général veut se retirer, se plaignant que certains ministres ricanent en l’entendant.

Je réponds avec force qu’il se méprend. Contrairement à ce qu’il pense, il a été écouté dans le plus grand silence. Aussi bien la tristesse profonde qui se lit sur les visages ne cadre-t-elle pas avec les sentiments que suppose le général.

La discussion s’ouvre. Le président du Conseil s’oppose à la décision qui conduirait à une demande d’armistice. Il invoque l’engagement du 28 mars 1940 qui lie la France et l’Angleterre pour la poursuite de la guerre. Il rappelle les ressources qui nous restent dans la flotte et dans l’empire, à supposer que la bataille sur terre soit définitivement perdue ; il conseille le repli dans le réduit breton où l’on pourra recevoir des secours d’outre-Manche.

Plusieurs ministres groupés autour de MM. Mandel, Campinchi et Marin sont pour la résistance à outrance. D’autres opinent dans le même sens tout en étant moins énergiques dans leurs déclarations. Le maréchal appuie la proposition du général.