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la bataille de france

tanniques eussent été en meilleure position pour supporter le premier choc de l’ennemi.

La manœuvre consistant à pénétrer en Belgique offrait certes des avantages appréciés de notre haut commandement ; on pouvait ainsi se relier à l’armée belge concentrée à sa frontière de l’Est et, en cas de repli forcé de sa part, la recueillir et former avec elle un front de résistance sur la ligne Anvers, la Dyle, Namur, Givet. Par surcroît, on éloignait la bataille de nos frontières ; on épargnait à nos villes, à nos industries, à notre sol, des destructions tant redoutées.

Mais le haut commandement belge, soucieux d’observer jusqu’à la dernière minute une stricte neutralité, n’avait pas cru devoir entrer en relation avec notre haut commandement et préparer avec lui des plans d’action commune. Dès lors, au lieu de se lancer dans l’inconnu, il eût mieux valu sans doute laisser les armées alliées sur leurs positions de défense et ne pas leur faire opérer le grand mouvement de glissement qui devait, en dernière minute, les porter sur la ligne de la Meuse en aval de Mézières.

Des conséquences tragiques allaient en découler. Parties en effet le 10 mai à l’aube, dès le déclenchement de l’attaque allemande, elles avaient à peine atteint leurs positions de combat mal connues et dépourvues de défenses fixes, que déjà les panzerdivisionen à peine retardées dans leur avance à travers les Ardennes par l’armée belge et nos 1re et 4e divisions de cavalerie légère, arrivaient sur la Meuse ; elles lançaient une attaque frontale massive à la hauteur de Sedan, à l’aile gauche de notre 2e armée et de Mézières à Namur, devant notre 9e armée.

Dans cette partie de son cours la Meuse ne constitue pas l’obstacle majeur auquel on avait fait crédit. Elle est sinueuse. Ses bords sont couverts de bosquets. Elle se prête aux marches d’approche défilées. Les tirs de barrage sont difficiles à régler.

Le choc assené à notre 9e armée dans les rudes journées des 12 au 17 mai allait la désorganiser profondément et lui enlever toute valeur combative.

Mais, conséquence plus redoutable encore, les blindés allemands, ayant la voie presque libre, fonçaient entre Meuse