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la bataille de france

comme aux jours aussi cruciaux de 1914, lors de la bataille de la Marne et de la course à la mer, organiser la riposte ? Autant de questions sur lesquelles plane un certain doute. Il faudrait, pour l’éclaircir, revoir les plans de mobilisation, recenser les matériels existant au front et à l’intérieur lors de l’entrée en campagne, suivre les diverses unités, divisions et corps d’armée dans leurs actions des premiers jours, confronter leurs journaux de marche. C’est en somme une reprise du procès de Riom, non pas, comme l’exigeait Hitler, pour rechercher les responsabilités de la guerre sur lesquelles le monde est bien fixé aujourd’hui, mais pour mettre en pleine lumière notre préparation effective à la guerre, et l’impossibilité de résister victorieusement à l’assaut des troupes allemandes sans les concours alliés escomptés.

Une discussion s’est élevée à l’occasion des chars d’assaut et des différences de leur mode d’emploi dans les deux armées ; la France les considérait comme des engins d’accompagnement de l’infanterie chargés de détruire les obstacles et de lui ouvrir les voies ; l’Allemagne leur assignait un rôle plus essentiel, en constituant des unités homogènes, véritables unités de combat.

On a dit, du côté français : « Si nous limitions ainsi l’emploi tactique des chars, c’est que nous n’en avions pas assez pour leur assigner une autre destination. » Ne pourrait-on pas répondre à cet argument : « Si nous n’en avions pas davantage, c’est précisément parce que nous ne leur avions pas assigné un emploi plus massif, plus généralisé. » Car il est difficile de croire que nos forges et nos aciéries, nos usines d’automobiles, nos grands ateliers mécaniques n’eussent pas été capables de fabriquer des tanks en grande série.

Quoiqu’il en soit, l’action exercée le 18 mai par la 4e division cuirassée sous les ordres du général de Gaulle dans la région de Montcornet et de Chèvres au nord de Laon, a retardé de quelques jours la venue de l’ennemi sur l’Aisne, permettant ainsi à l’armée de constituer sa ligne de résistance ; transportée à l’embouchure de la Somme, cette même division attaqua le 30 et le 31 mai la forte tête de pont que l’ennemi avait constituée sur la rive gauche de la rivière, pénétra dans ses lignes, fit plusieurs centaines de prisonniers