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témoignage

Mais surtout, analysant les causes de la défaite de 1918, l’état-major recherchait les éléments d’une tactique nouvelle échappant aux inconvénients de la guerre de position révélés au cours de l’autre guerre ; il aspirait à mettre l’armée adverse hors de cause à la suite d’actions rapides et brutales, par un blitzkrieg.

La fin de la grande guerre avait révélé l’existence de deux armes nouvelles et redoutables au lancement desquelles la France avait pris une large part, le tank et l’avion. En reprendre la fabrication, en améliorer les performances, les développer en nombre et en puissance, édifier une doctrine de bataille basée sur leur emploi en des formations nouvelles, tel était le dessein de l’état-major allemand. Il y réussit pleinement, il faut lui rendre cet hommage.

Les tanks groupés en formations indépendantes capables d’agir isolément sur le champ de bataille, les avions rangés en escadrilles opérant par vagues, notamment en piqué, les canons antichars multipliés sur tout le front, une artillerie puissante, des divisions motorisées, le tout constituant des masses de manœuvres redoutables contre quoi les méthodes désuètes de combat du passé devaient se révéler impuissantes.

Nos techniciens militaires n’ont pas eu au même degré, hélas ! des préoccupations de rénovation et de progrès. Ils se sont trop confinés dans la victoire de 1918. Ils en tiraient avec maîtrise les leçons qui s’en dégageaient ; j’entends encore la savante conférence du maréchal Pétain devant l’élite de nos chefs à l’École supérieure de guerre le jour où j’attachai à son drapeau la croix de la Légion d’honneur. Mais, insuffisamment informés par les rapports de nos attachés militaires et les notes d’un service de renseignements mal organisé, ils ont ignoré ou méconnu les nouvelles réalisations allemandes ; ils ne se sont pas appliqués d’un même zèle au perfectionnement de notre machine de guerre.

Tous pourtant n’étaient pas restés sourds aux appels de l’avenir. On a publié les pages prophétiques écrites dès 1934 par le colonel Charles de Gaulle sur les phases de la bataille moderne. La division motorisée et blindée y est décrite dans tous ses éléments telle que les Allemands l’avaient