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la bataille de france

Sans doute, rien ne la faisait prévoir avec certitude en 1939. Même après l’armistice, elle était encore problématique. Un journaliste français n’écrivait-il pas :

« Nous ne fûmes sauvés pendant la grande guerre que par l’intervention inattendue des États-Unis qui, pour la première fois dans leur histoire, décidèrent de se mêler à un conflit européen, d’envoyer leurs soldats par centaines de milliers se battre de l’autre côté de l’Océan. Il fallut une réunion de circonstances extraordinaires pour provoquer cet événement qui, bouleversant l’équilibre des forces en présence, transforma du tout au tout l’évolution de la guerre… Tout homme d’État intelligent, sensé, raisonnable en Angleterre comme en France devrait se dire que cet événement exceptionnel avait les plus grandes chances de ne pas se reproduire deux fois de suite… Si nous faisions la guerre cette fois, les conditions diplomatiques seraient, de toute évidence, beaucoup moins bonnes. Nous n’avions plus le droit de compter sur l’appui direct des États-Unis. »

M. Raymond Recouly voudrait sans doute, pour son honneur de journaliste, n’avoir pas écrit ces lignes malencontreuses et n’avoir pas reçu des faits un si cruel démenti.

Pour ma part, j’ai toujours fait confiance à la République des États-Unis. Connaissant son attachement aux grands principes de liberté, de justice et de droit, je me disais que, comme dans l’autre guerre, elle ne pourrait assister indifférente aux atteintes portées à ces principes par les nations totalitaires. L’heure devait sonner où, comme naguère et pour les mêmes raisons, son opinion publique s’orienterait peu à peu vers une intervention sans laquelle elle n’aurait plus droit à sa part de l’honneur international.

Je n’en doutai plus au lendemain de la réélection triomphale du président Roosevelt en novembre 1940. À ce moment, me rappelant l’aimable accueil qu’il avait réservé à Mme Lebrun à la Maison-Blanche, lors du sensationnel voyage du grand transatlantique Normandie en Amérique, j’avais pris la liberté de lui adresser en mon nom personnel un message de félicitations. Quelque temps après, il me faisait remettre par l’ambassadeur des États-Unis en France une réponse datée du 30 décembre 1940 où il se disait