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témoignage

Cameroun agrandi de l’A. E. F. afin que nous puissions nous procurer les produits tropicaux dont nous avons besoin au même degré que vous. »

Peut-être eût-il été question aussi de certaines îles de l’océan Indien ou du Pacifique pour permettre à l’Allemagne de retrouver quelques points d’appui perdus au cours de la Grande Guerre.

On a le droit de se retourner vers ceux qui jugent avec tant de sévérité l’attitude des Alliés en 1939 et de leur dire :

« Qu’auriez-vous fait le jour où l’Allemagne vous aurait présenté cet ultimatum ? Répondez. Auriez-vous cédé ? Auriez-vous dit : « Après tout, ce qu’on nous demande est juste ; partageons notre domaine » ?

Quel aveu de faiblesse et d’indignité de la part de la France ! Abandonner tant de territoires arrosés du sang de ses explorateurs, de ses soldats, de ses colons, de ses missionnaires ! Elle qui, en 1911, lors de la crise d’Agadir, s’était résignée si malaisément à accepter un traité où ses droits étaient cependant sauvegardés — l’avenir devait l’établir sans conteste — puisqu’en échange de quelques territoires sans grande valeur en Afrique équatoriale, elle s’assurait la maîtrise du Maroc, un des plus beaux joyaux de sa couronne coloniale. L’ancien ministre des Colonies de 1911 a, moins que tout autre, oublié les violentes réactions de l’opinion publique à cette époque.

Auriez-vous dit au contraire : « C’en est trop ! La coupe est pleine. Il faut cette fois résister ». C’était la guerre, mais la guerre avec une Allemagne encore plus forte, une Allemagne ayant réalisé son grand rêve européen et toute prête à se lancer vers son projet de domination mondiale auquel elle était attachée d’une égale force.

C’est tout cela qu’il faut voir, qu’il faut méditer pour apprécier la situation vraiment tragique où se trouvaient les Alliés à l’été de 1939 et l’obligation où ils étaient de prendre parti dans des conjonctures redoutables.

D’ailleurs, dès la signature du traité germano-russe, on pouvait penser qu’il n’aurait qu’une durée limitée, le temps nécessaire à la liquidation de la question polonaise, et qu’un