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la bataille de france

L’exemple de la Tchécoslovaquie était peu tentant. À Munich, le chancelier Hitler n’avait-il pas promis, une fois réglée la question des Sudètes, de respecter l’indépendance du pays ainsi amputé ? Pourtant, quelques mois après, il occupait Prague et s’emparait de la Bohême et de la Moravie sous le masque trompeur d’un protectorat.

On ne peut pas douter que le sort de la Pologne eût été le même. M. Beck ou tel envoyé polonais venu à Berlin eût été traité comme l’avaient été jadis le chancelier Schuschnigg et le président Hacha. Il n’eût pu que signer, sans être admis à les discuter, les conditions imposées par le Reich pour le règlement des questions de Dantzig, du Couloir et de la Silésie. Ensuite la Pologne affaiblie, déconsidérée, humiliée, fût tombée sous la domination morale ou même matérielle de l’Allemagne. C’était le rêve du Grand Reich se réalisant ainsi qu’il avait été annoncé souvent outre-Rhin. C’était mettre aux mains du chancelier Hitler des forces toujours accrues, lui permettant de s’attaquer aux pays encore libres, la France et l’Angleterre, et de réaliser les dernières parties de son programme de domination, les plus difficiles à vrai dire.

Sans doute, malgré bien des raisons de croire le contraire, je persiste à penser que le Chancelier était sincère lorsqu’il affirmait dans sa déclaration à M. Daladier du 25 août 1939 sa volonté de ne pas réclamer l’Alsace-Lorraine à la France. Mais il avait des visées très nettes sur notre domaine colonial. Il les avait proclamées à diverses reprises.

Il n’y avait pas de raison, argumentait-il, pour que certains pays, l’Angleterre, la France, la Belgique, la Hollande, eussent d’importantes possessions outre-mer alors que le Reich en était privé. Il fallait, en bonne justice, procéder à une nouvelle répartition.

Ainsi, après avoir pu en toute liberté réaliser ses agrandissements territoriaux en Europe et accru sa force d’agression au delà de toute mesure, le Chancelier se fût retourné un jour vers la France et lui eût dit :

« Maintenant, causons. En Afrique du Nord, vous avez l’Algérie. Gardez-la. Cédez-nous le Maroc qui, pour vous, fait double emploi. L’A. O. F. vous reste ; rendez-nous notre