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la bataille de france

traité anglo-franco-soviétique, qui le débarrasse du péril qu’eût présenté pour lui une guerre à mener sur deux fronts, étant entendu qu’un front oriental soutenu seulement par les armées polonaises, même renforcées par les armées roumaines, serait incapable de résister longtemps à la poussée allemande ?… Pour l’homme de la rue, tout se passe en un mot comme s’il y avait, entre la signature du pacte germano-soviétique et la guerre qui vient, la relation la plus directe de cause à effet. »

Un tel événement, si inattendu qu’il fût, ne comportait seulement qu’une part de surprise. Pour moi, voyant que les pourparlers traînaient en longueur, que, de télégramme en télégramme, les Russes discutaient sans jamais aboutir, revenant sans cesse sur des points déjà acquis, j’étais mal impressionné. J’avais dit plusieurs fois aux ministres en Conseil : « Prenons garde ; nos interlocuteurs ne paraissant pas faire preuve d’une suffisante volonté d’aboutir, n’y aurait-il pas là quelque manœuvre ? »

De fait, les Soviets poursuivaient simultanément des négociations avec l’Allemagne. De leur aboutissement résultait un retournement de la situation. Les forces russes n’entraient plus en ligne de compte avec les forces alliées. La Pologne, menacée sur ses arrières, n’offrait plus la même résistance à l’agression allemande. On pouvait même redouter pour elle une attaque soviétique.

Les événements devaient bientôt, hélas ! donner corps à de telles craintes. L’Allemagne et la Russie allaient une fois de plus dépecer la Pologne, inscrivant ainsi une nouvelle page peu glorieuse dans leur histoire nationale, comme au temps de Frédéric II et de la Grande Catherine.

On comprend, dès lors, le triomphe du Chancelier allemand qui, parlant le 1er septembre 1939 au Sportspalast devant les membres du Reichstag et annonçant l’ouverture des hostilités, pouvait dire :

« Nous nous sommes décidés (Russes et Allemands), à conclure le pacte qui exclut pour toujours tout recours à la violence, qui nous oblige à nous consulter sur certaines questions européennes et qui rend possible une collaboration économique. Jamais plus il ne peut arriver que la force de