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témoignage

de leurs frontières. Peut-être avais-je trouvé un intérêt particulier à suivre ces publications parce qu’en 1896 j’avais, jeune ingénieur, séjourné plusieurs mois dans le Donetz, étudiant avec des techniciens russes les installations métallurgiques et minières qui dès ce moment, grâce au concours de nos ingénieurs et de la finance française, commençaient à faire de ce bassin l’un des plus riches du monde.

Depuis cette époque, il avait pris un tel développement que je ne m’y serais pas reconnu si je l’avais revu au moment de la guerre.

Pourquoi faut-il que ces ressources en hommes et en matières aient fait défaut au dernier moment et qu’en changeant son orientation politique, la Russie ait permis au Reich de déclencher une guerre qu’il n’eût sans doute pas osé entreprendre sans cela ?

On se rappelle comment, après de pénibles négociations entre l’Angleterre, la France et la Russie au cours de l’été de 1939, soudain, le 23 août, le gouvernement soviétique annonçait au général français Doumenc et à l’amiral anglais Plunkett venus en mission à Moscou que les négociations étaient rompues. En même temps un traité de non-agression germano-russe était signé à Berlin par les ministres des Affaires étrangères des deux pays.

Aucune appréciation ne peut être plus pertinente que celle de M. Jacques Sadoul qui écrit (voir Ci-devant de M. de Monzie) :

« Comment apprécier sans colère et sans indignation le fait pour nos quotidiens de célébrer le pacte germano-soviétique comme un événement providentiel pour le peuple français, de le présenter comme l’instrument le plus précieux de la paix, comme le plus puissant obstacle élevé contre la guerre, au moment même où des centaines de milliers de citoyens français sont appelés sous les armes, au moment où presque tous, pour ne pas dire tous, partent aux frontières avec la conviction qu’ils sont précisément mobilisés parce que Staline a refusé de signer un pacte défensif avec la France et l’Angleterre, parce qu’il a signé avec l’Allemagne hitlérienne un accord qui débarrasse Hitler de la terrible menace qu’aurait fait peser sur lui un