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témoignage

sentiments à l’égard de leur pays. Ils savent tout ce que j’ai mis de moi-même dans la magnifique réception faite par la France à Leurs Majestés le Roi et la Reine à l’été de 1938. Ils ont pu apprécier aussi combien j’ai ressenti l’honneur fait à la France en ma personne au cours de mon voyage en Angleterre au printemps de 1939 ; mon discours à Westminster Hall en présence des membres réunis de la Chambre des Lords et des Communes en porte témoignage. Enfin ils n’ignorent pas que j’ai tout fait pour sauvegarder l’amitié franco-britannique au sein du gouvernement dans les tristes journées de juin et juillet 1940, alors qu’un mauvais vent soufflait, menaçant de tout emporter.

Parmi les forces présumées sur lesquelles pouvaient compter les Alliés, du moins jusqu’au 23 août 1939, figuraient aussi celles de l’U. R. S. S. À leur égard, on se posait une double question : que valaient-elles au juste ? Pouvait-on compter sur leur fidélité ?

Sur le premier point, bien des erreurs ont été commises. Les esprits étaient dominés encore par les tristes souvenirs de l’autre guerre : absence d’armement, incapacité des chefs, indiscipline des troupes, le tout couronné par la défection de Brest-Litowsk. Peu de gens croyaient à la puissance de l’armée russe.

Telle n’était pas mon opinion personnelle. J’avais lu avec soin les rapports de nos attachés militaires à Moscou ceux aussi établis par les officiers de notre état-major ayant assisté aux grandes manœuvres soviétiques. Sans doute ces derniers concluaient en notant qu’ils « n’avaient vu que ce qu’on avait bien voulu leur montrer », ce qui indiquait chez les Russes le désir de ne pas révéler certains secrets. Mais diverses observations concernant notamment l’artillerie antitank, les formations aériennes et les unités de parachutistes révélaient une volonté de progrès dans l’armement et de perfection dans l’entraînement de la troupe qui, généralisés dans l’ensemble des armées soviétiques, devaient leur assurer une singulière puissance.