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témoignage

Le commandant des troupes alliées dressa un plan d’attaque dont il me dit lui-même, au retour d’un voyage mouvementé sur le front, qu’il en attendait d’heureux effets.

Les forces franco-britanniques, partant de la région d’Arras, devaient s’avancer vers le sud dans la direction de Bapaume, tandis que l’armée française, basée sur la Somme, s’efforcerait de gagner du terrain vers le Nord. Par leur jonction, elles devaient couper l’espèce de pédoncule formé par les divisions allemandes imprudemment aventurées vers l’ouest et les prendre au piège.

Le plan avait été arrêté le 22 mai 1940 dans une réunion franco-britannique à laquelle assistèrent MM. Churchill et Paul Reynaud.

Il ne put, hélas ! être exécuté. Dès le 23 mai, le Premier ministre se plaignait d’un manque de liaison entre les armées britanniques, belges et françaises du nord de la coupure, et d’une absence de coopération effective entre elles. Il est vrai, hélas ! que la substitution du général Blanchard au général Billotte, tué dans un accident d’automobile, pouvait créer une situation indécise dans le commandement du groupe d’armées.

Le 24 mai, M. Paul Reynaud télégraphiait à son tour à M. Churchill :

« Le général Weygand m’apprend que, contrairement aux ordres formels confirmés le matin, l’armée anglaise a décidé d’exécuter un repli de 40 kilomètres dans la direction des ports, alors que nos troupes parties du sud gagnaient du terrain vers le nord à la rencontre des armées alliées du nord. Ce repli a naturellement contraint le général Weygand à modifier tout son dispositif. Il se voit obligé de renoncer à fermer la brèche et à rétablir un front continu. Il est inutile d’insister sur la gravité des conséquences qui peuvent en découler. »

Que s’est-il passé au juste ? Il est bien difficile de le préciser aujourd’hui. Il faut laisser ce soin à l’histoire par le rapprochement des journaux de marche des diverses unités et des déclarations de leurs chefs.

Vinrent ensuite les terribles journées du 27 mai au 3 juin, où l’armée anglaise et la plus grande partie de l’armée fran-