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la bataille de france

À cet égard je veux placer ici une observation d’ordre général. Si je me crois obligé de rappeler plusieurs faits indiscutables, ce n’est pas pour diminuer certaines armées étrangères, surtout après l’effort admirable accompli depuis pour assurer la victoire alliée ; c’est uniquement pour dégager, dans la mesure convenable, les responsabilités françaises, et ne pas laisser peser sur la France une réprobation imméritée. Notre malheureux pays a tant souffert de son échec, il en a éprouvé une telle humiliation qu’on a bien le droit de fixer la part qui lui revient dans ces événements tragiques, au risque même de contrister des peuples amis.

La première force en ligne était celle de l’armée polonaise. Il s’agissait de sauver la Pologne de la servitude. C’était à ses soldats à fournir le premier effort.

Quel potentiel offrait-elle ? Voici ce qu’en disait le maréchal Foch un peu avant sa mort :

« La bonne impression que j’ai de ce pays ne cesse de se confirmer. Les Polonais sont 25 millions maintenant. Ils seront 40 millions dans vingt ans. Leur patriotisme est des plus ardents. L’armée est en bon état. Le pays travaille. Là aussi la construction est en train de se solidifier. Accordez-lui encore quelques années de répit. Elle sera capable alors de résister à une secousse. »

On sait, par ailleurs, le soin apporté par le maréchal Pilsudsky à la reconstitution des forces polonaises au lendemain de la grande guerre avec le concours d’instructeurs français. Au retour d’un voyage en Pologne, le général Gamelin m’avait dit sa satisfaction des constatations qu’il avait pu faire sur place, ajoutant cependant son regret de ne pas voir la Pologne élever des fortifications à sa frontière. Un pays dépourvu comme elle de défenses naturelles aurait dû avoir ce souci. Elle craignait sans doute d’indisposer l’Allemagne à laquelle la liait un traité de non-agression de dix ans.

En fait et contre toute attente, l’armée qui, au dire des experts militaires, pouvait tenir plusieurs mois, s’effondra