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la bataille de france

Cette conclusion est sage dans son ensemble ; on peut noter toutefois la satisfaction éprouvée par l’état-major allemand à mettre en évidence les responsabilités de l’état-major français.

C’est sur les faits militaires eux-mêmes qu’il convient de fixer son attention.

Dès l’abord, une réflexion s’impose. La plupart de ceux qui ont abordé cette matière se livrent à une comparaison entre la France et l’Allemagne. Ils mettent en balance leurs facultés respectives en rapprochant les effectifs de leurs armées, le nombre et la qualité de leurs matériels (canons, tanks, avions, etc.), leur puissance industrielle (mines, aciéries, usines de guerre) ; puis, ayant fait ce compte, ils en concluent que ce fut un acte de légèreté, pour ne pas dire d’inconscience de la part du gouvernement français d’avoir engagé le pays dans une « guerre perdue d’avance », suivant une expression tombée de haut.

Ils auraient raison si les faits se présentaient ainsi. Qui oserait le prétendre ? La France n’était-elle pas assurée du concours de diverses nations ? N’était-elle pas autorisée à faire entrer dans le compte de la balance des forces certaines armées étrangères, à l’exemple de ce qui s’était passé en 1914-18 ?

Certains se sont demandé pourquoi la France qui avait su éviter la guerre en 1938 grâce aux accords de Munich relatifs à la Tchécoslovaquie, n’avait pas été aussi sage en 1939 — d’après leur propre avis, — en s’accommodant d’un accord analogue pour la Pologne.

C’est précisément parce qu’un conflit éclatant en 1938 l’eût trouvée à peu près seule. L’Angleterre ne paraissait pas très portée à entrer en guerre à l’occasion du différend entre Tchèques et Sudètes. La Pologne, de son côté, était plus pressée de faire rentrer dans son domaine le territoire de Teschen que de porter secours à une autre nation issue comme elle du traité de Versailles.

En 1939, la situation était bien différente. Le monde, fatigué des nouvelles violences qui lui étaient faites, était,