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témoignage

auprès des grands chefs d’alors, les Foch, les Joffre, les Franchet d’Esperey, les Fayolle, les Mangin, pour ne parler que des morts ?

L’armée française ! N’est-ce pas elle qui inspirait à la veille de la guerre au général Weygand, venu à Lille pour y présider à l’Exposition le concours officiel de la fête hippique, un jugement où il affirmait toute sa confiance :

« Vous me demandez mon sentiment sur l’armée française ; je vous le dirai franchement et avec l’unique souci de la vérité, ce qui ne me gêne nullement. Je crois que l’armée française a une valeur plus grande qu’à aucun moment de son histoire ; elle possède un matériel de première qualité, des fortifications de premier ordre, un moral excellent et un haut commandement remarquable. Personne chez nous ne désire la guerre ; mais j’affirme que si l’on nous oblige à gagner une nouvelle victoire, nous la gagnerons. »

L’armée française ! Pourquoi les soldats de 1939-40 n’auraient-ils pas été capables de reproduire les exploits que leurs pères avaient accomplis de 1914 à 1918, avec une vaillance et un courage qui n’avaient été égalés dans aucun temps ?

Pourtant les faits sont là, dans leur douloureuse réalité. Il faut se résoudre à les examiner en toute objectivité.

On a incriminé d’abord l’état moral du pays en 1939. On a rappelé son affaiblissement résultant des crises intérieures et de la division des partis lors des événements de 1934 et de 1936. On a évoqué la pente glissante où il s’était abandonné touchant les conditions du travail, la recherche du plaisir, la renonciation au sacrifice, l’oubli des règles nécessaires à la force des États.

Il y a du vrai dans ces observations. Je ne dirais pas toute ma pensée si je n’avouais qu’au poste où m’avait appelé l’Assemblée nationale, bien placé pour suivre en tout temps les événements de la vie intérieure du pays, moins bien placé d’ailleurs pour leur imprimer une allure