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témoignage

s’abstenir de tout acte grave de préparation aux hostilités tant que dureront les conversations.

Mais on est décidé à Berlin à écarter ou à neutraliser ces interventions.

Dès le 25 juillet, l’ambassadeur d’Autriche en Allemagne note :

« Un retard dans le commencement des opérations militaires est considéré ici comme un grand danger à cause de l’intervention d’autres puissances. On nous conseille d’urgence de commencer immédiatement et de mettre le monde en présence du fait accompli. »

Il avoue, le 27 juillet, que si l’Allemagne est amenée, ne pouvant faire autrement, à transmettre à Vienne une offre de médiation d’une tierce puissance, ce sera pour la forme, car elle est « absolument opposée à l’examen d’une telle proposition ».

Guillaume II lui-même se trahit dans sa lettre du 28 juillet au Chancelier où il exige l’occupation de Belgrade par l’Autriche-Hongrie, ce qui entraîne nécessairement la guerre avec la Russie. Enfin, le 31 juillet, il donne à son ambassadeur à Pétersbourg l’ordre d’accomplir la démarche ultime ouvrant en fait les hostilités.

L’Allemagne tient sa guerre. Elle ne la lâchera pas.

Ainsi donc, aux deux époques ce sont bien mêmes procédés, mêmes traîtrises, même machiavélisme.

Pendant des années, on a préparé la machine de guerre la plus puissante de l’époque, on y a consacré toutes les ressources de la nation, suivant la formule imagée « moins de beurre, plus de canons ». Puis, quand on juge que l’heure de la grande entreprise est venue, on se saisit d’un incident — ce fut jadis l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche, c’est, hier, le conflit germano-polonais — et, d’un cœur léger, on précipite le monde dans la plus effroyable des aventures.

Qu’importe, puisqu’on est sûr de gagner la guerre ! Le succès justifiera tous les actes passés et la grande Allemagne accomplira un pas de plus dans son destin de conquête et d’asservissement.

Mais voilà, dans son fol orgueil, elle a sous-estimé le pou-