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« comment mourut la paix »

Or, les crédits dont le gouvernement sollicitait le vote marquaient suffisamment par leur importance leur véritable destination. Il s’agissait d’un crédit de payement de 45 milliards et d’un crédit d’engagement de 25 milliards, soit au total 70 milliards.

Donc, dans ce domaine de la soi-disant déclaration de guerre inconstitutionnelle comme dans celui des responsabilités, les « collaborationnistes » se sont, par leurs mensonges, disqualifiés à jamais. Ils se sont faits les jouets de la propagande allemande empressée à empoisonner l’opinion mondiale pour couvrir ses actes criminels.

Au cours des journées fiévreuses de la fin d’août 1939, alors que les chancelleries d’Europe étaient en émoi, que les télégrammes se croisaient en tous sens sur les fils, que les appels téléphoniques résonnaient sans interruption, on ne pouvait s’empêcher de revivre les heures non moins angoissantes qui avaient précédé la guerre de 1914. On avait comme alors l’impression d’être emporté par un tourbillon qu’aucune force n’était capable de maîtriser.

Vingt-cinq ans plus tôt, c’est le même processus. Dès le 15 juillet, le plan d’action est machiné, ainsi que le révélera plus tard un rapport du ministre de Bavière à Berlin découvert aux archives : Vienne enverra une note à Belgrade le 25 août, quand MM. Poincaré et Viviani auront repris la mer après leur séjour à Pétersbourg, étant ainsi dans l’impossibilité de participer à des négociations. En attendant, pour donner le change, le ministre de la Guerre et le chef d’état-major d’Autriche-Hongrie seront en congé.

On laissera à la Serbie quarante-huit heures pour accepter un ultimatum dont on sait que les exigences sont incompatibles avec la dignité du peuple serbe. Ce sera donc la guerre.

Sans doute, il se produira des interventions. Le ministre russe, M. Sazonof, proposera de prolonger le délai de réponse accordé à la Serbie ; le Tsar suggérera de soumettre le litige à la Cour d’arbitrage de La Haye et, en tout cas, de