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témoignage

Au Sénat, après avoir évoqué les efforts tentés en vue de la paix, le président ajoute :

« Le fléau est pourtant revenu. Un forfait nouveau contre l’humanité vient d’être entrepris… Voici la France contrainte demain peut-être de combattre une fois de plus et pour son salut propre et pour des valeurs morales qui comptent autant que jamais pour elle. »

Enfin le président du Conseil insiste à nouveau :

« Si les appels lancés en vue du maintien de la paix demeurent vains, est-ce que la France peut laisser ces forces d’agression poursuivre leur œuvre de violence, de servitude et de mort sans faire honneur à sa propre signature ? »

Qu’est-ce à dire sinon que c’est une déclaration de guerre à terme ? Que l’Allemagne poursuive son agression au lieu de la suspendre, c’est automatiquement la guerre.

Aucun membre du Parlement n’a pu se méprendre sur la gravité de la situation ; aucun n’a pu se dire abusé. En émettant ensuite librement son vote, il a su quel en était le sens précis.

Où est, dans tout cela, la violation de la Constitution ?

Soit, dit-on encore, le fond a été respecté. Mais la forme ne l’a pas été, et dans une matière d’une telle gravité, il importe de se soumettre à toutes les obligations formelles.

Or, si l’on ouvre le Traité de Droit politique d’Eugène Pierre, auquel on s’accorde à reconnaître une autorité souveraine, on y peut lire sous le numéro d’ordre 553 :

« La loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 a stipulé, dans son article 9, que le président de la République ne peut déclarer la guerre sans l’assentiment préalable des deux Chambres. Il est inutile de dire que les nécessités de la lutte suprême ne permettraient pas aux Chambres d’employer les formes ordinaires pour donner au président de la République l’autorisation de déclarer la guerre. D’ailleurs, la loi constitutionnelle parle simplement d’un « assentiment » qui pourrait résulter de n’importe quel vote ; un ordre du jour adopté sans débats suffirait, un crédit supplémentaire, si faible qu’il fût, manifesterait amplement la volonté des représentants du pays et couvrirait le président de la République. »