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« comment mourut la paix »

guerre n’était pas intervenue dans les formes régulières prévues par la Constitution.

Dans son discours à l’Assemblée nationale de Vichy M. Laval a dit :

« On ne pourra plus dans l’avenir décider, comme on l’a fait il y a neuf mois, du sort du pays et le jeter dans la guerre sans même que les Assemblées aient été consultées. »

M. Bergery, après lui, a lu à la tribune une déclaration, signée d’un certain nombre de députés où il était écrit :

« Quelques heures plus tard, à la suite de l’agression contre la Pologne, la France se trouva en guerre à la suite de l’Angleterre sans que la guerre ait été votée par les Chambres, en violation du texte formel de la Constitution. C’est ainsi qu’un chef de gouvernement, ministre de la Défense nationale depuis cinq ans, avec la complicité des chefs des grands partis, des présidents des deux assemblées et du plus haut magistrat de la République, avec la complicité aussi de journalistes asservis par le gouvernement ou corrompus par l’étranger a pu déclarer inconstitutionnellement une guerre qu’il avait été incapable de préparer. »

Voilà bien l’accusation, reprise ensuite pendant des mois par des journaux aux ordres de l’Allemagne. En répétant la même affirmation mensongère, on espérait la faire pénétrer dans les esprits comme le clou sur lequel on frappe sans cesse et qui s’enfonce peu à peu. De fait, j’ai trouvé dans ma correspondance un certain nombre de lettres où de braves gens, affolés par cette propagande infâme, me font part de leur émotion.

Il suffit de lire le compte rendu des séances du Sénat et de la Chambre des députés en date du 2 septembre 1939 pour se convaincre que les représentants de la nation ont été parfaitement informés de la situation et qu’ils n’ignoraient rien des conséquences du vote qui leur était demandé.

Il leur fut d’abord donné lecture de mon message par le président du Conseil. Je prends la liberté d’en rapporter ici les termes tels qu’ils figurent au Journal officiel du 3 septembre 1939 (Sénat) :

« Vous êtes réunis à une heure critique de notre vie nationale. La guerre a éclaté dans l’Europe centrale, des hommes