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« comment mourut la paix »

acquiescement, ils seraient à tout jamais maudits par leur peuple… Les ministres allemands se sont montrés impitoyables. Ils ont littéralement pourchassé les ministres tchèques autour de la table sur laquelle se trouvaient étendus les documents, les ramenant toujours devant ceux-ci, leur mettant la plume en main et ne cessant de leur répéter que, s’ils persévéraient dans leur refus, la moitié de Prague serait détruite dans deux heures par les avions allemands et que cela ne serait qu’un commencement. Des centaines de bombardiers n’attendaient qu’un ordre pour partir et cet ordre, ils le recevraient à 6 heures du matin, si la signature n’était pas intervenue d’ici là. M. Hacha était dans un tel état d’épuisement qu’à plusieurs reprises on a dû recourir à l’intervention de médecins qui se trouvaient d’ailleurs à pied d’œuvre… À 4 h. 30 du matin, M. Hacha accablé, n’étant plus soutenu que par des piqûres, s’est résigné, la mort dans l’âme, à donner sa signature. »

Peut-on lire sans frémir un tel récit ? N’a-t-on pas le droit de traiter de gangsters de la diplomatie des hommes d’État capables de recourir à de tels procédés, procédés dont ils ont l’audace de se flatter, ainsi qu’on en a pu juger par les propos du Fuhrer rappelés au début de ces notes ?

Si M. Beck s’était rendu à Berlin à l’appel de Hitler, il eût été traité de pareille façon. La Pologne pouvait-elle vraiment, sans se déshonorer, accepter un tel traitement, se soumettre sans examen à des conditions engageant tout son avenir ? On agit ainsi à l’égard d’un pays vaincu et non d’un pays libre et indépendant.

Le monstre d’orgueil qu’est le Fuhrer apparaît tout entier lorsqu’il déclare dans son discours au Reichstag dans la nuit du 1er septembre 1939 :

« Si l’on croyait pouvoir traiter ainsi le Reich allemand et son chef, l’Allemagne n’aurait plus qu’à disparaître de la scène politique. On s’est trompé sur mon compte. Il ne faut pas prendre mon amour de la paix pour de la lâcheté. Aussi, j’ai décidé de faire connaître hier soir au gouvernement britannique que je considérais les négociations comme ayant échoué. »