Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
témoignage

par des procédés brutaux, ne songent qu’à briser les tentatives d’arrangement, à couper les ponts derrière eux et à créer l’irréparable ? Aussi bien, le fait que les armées allemandes, mobilisées jusqu’au dernier homme, étaient en situation d’envahir la Pologne à la minute même de la rupture des pourparlers, prouve de quel côté était la volonté d’agression.

Sans doute, disent les Allemands, les Polonais ne sont pas venus à Berlin le 30 à midi, comme on le leur avait demandé ; c’est seulement le 31, à une heure, que M. Lipski s’est présenté, et encore comme ambassadeur et non comme plénipotentiaire.

Ainsi donc, c’est pour un retard de vingt-quatre heures qu’on va précipiter le monde dans la plus effroyable des guerres qu’il ait jamais connue ! On a peine à le croire ; c’est pourtant vrai.

Par ailleurs, il eût fallu que l’envoyé polonais se rendît à Berlin, non pas pour recevoir les propositions allemandes et venir ensuite en discuter avec son gouvernement, mais pour les accepter hic et nunc. Il en avait été ainsi naguère lors de la réception du chancelier autrichien Schuschnigg et du président tchécoslovaque Hacha. Il n’est pas sans intérêt de rappeler les incidents de cette dernière où se révèlent des procédés vraiment inqualifiables, dignes du reître Brennus.

À leur arrivée à Berlin, MM. Hacha et Chvalkowsky ont été conduits à la chancellerie. Le Fuhrer les invite à signer sans la moindre discussion le texte où ont été consignées les décisions de l’Allemagne concernant l’intégration dans le Reich du protectorat de Bohême et de Moravie. Le Fuhrer appose sa signature et se retire.

Dès lors une scène tragique se déroule entre les ministres tchèques, et MM. Gœring et de Ribbentrop. Il faut en lire le récit dans un télégramme de notre ambassadeur :

« Pendant des heures entières, MM. Hacha et Chvalkowsky ont protesté contre la violence qui leur était faite, déclaré qu’ils ne pouvaient apposer leur signature sur le document qu’on leur présentait, fait valoir que, s’ils donnaient leur