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témoignage

« Enfin la France, à son actif, a le Maroc ; il n’est que d’entendre les appréciations élogieuses portées sur cette belle création par d’éminents hommes d’État étrangers pour en concevoir un juste orgueil.

« J’ai voulu, mes chers concitoyens, à la veille de la période où vont se discuter devant vous les intérêts du pays, évoquer quelques-unes des grandes questions liées à son avenir et qu’il faut avoir présentes à l’esprit dans un pareil moment.

« Puissiez-vous, dans la diversité des partis auxquels vous appartenez, garder à cette consultation une haute tenue qui déjà marque en sa faveur et aussi, dans les controverses auxquelles elle donne lieu, placer hors de toute discussion les principes sur lesquels reposent la grandeur et l’indépendance de la patrie. »


Sans doute cet appel était-il relativement modéré. Il n’avait pas les couleurs voyantes des exposés faits à la radio par les chefs de parti. Je pensai pourtant — peut-être n’était-ce qu’une illusion — que ces propos de raison tombant au milieu des agitations de la place publique pouvaient n’être pas sans effet.

Je communiquai mon projet au président du Conseil. Il voulut bien me dire qu’il lui paraissait la sagesse même, mais que si habilement rédigé qu’il fût, il ne manquerait pas de susciter des polémiques.

Telle phrase apparaîtrait comme une critique des uns ; d’autres revendiqueraient à leur profit tel autre passage. Il me conseillait donc de m’abstenir pour ne pas mêler ma fonction et ma personne à la lutte des partis. Les souvenirs du discours prononcé à Évreux par le président Millerand à la veille des élections législatives de 1924 flottaient encore dans l’air.

Mon élan était brisé. Ne voulant pas attirer de nouveaux soucis au gouvernement qui en avait déjà sa part, je renonçai à mon projet.

Enfin, au moment de quitter Vichy en juillet 1940, j’avais désiré faire mes adieux à la nation après l’avoir fidèlement servie pendant huit années. Quand je demandai aux services de la radiodiffusion de m’accueillir à un jour déterminé, on