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témoignage

instants à laquelle je vous convie, me placer au-dessus des partis. Ainsi l’exige ma fonction. Mais elle me fait aussi une obligation de penser à la France et à la République ; c’est dans ce double dessein que j’ai voulu m’adresser à vous ce soir.

« Notre pays, le fait n’est pas contestable, traverse une crise caractérisée par un manque de confiance en lui-même et une sorte de désenchantement.

« Les causes en sont multiples. À la base se trouve le ralentissement de l’activité économique qui, succédant à une période de grande euphorie, a produit des ravages dans le monde de la production et du travail à tous les degrés de l’échelle sociale. Pour aider le pays à venir à bout de ces difficultés, il eût fallu un gouvernement stable, fort, s’appuyant sur une majorité résolue, établissant un plan d’action vigoureux et en poursuivant l’exécution avec continuité.

« S’il est vrai de reconnaître qu’un immense effort a été accompli au cours de la dernière législature, c’est à travers des changements d’orientation et au milieu de péripéties qui n’ont pas apporté un résultat aussi substantiel que celui qu’on pouvait attendre.

« Par surcroît, des scandales ont éclaté qui ont jeté le trouble dans les esprits. À lire chaque matin dans la presse où ils s’étalaient complaisamment les récits auxquels ils donnaient lieu, les honnêtes gens, qui sont l’immense majorité, se sont pris à douter.

« Enfin, à une heure particulièrement douloureuse, des passions mauvaises se sont fait jour, des troubles graves ont éclaté et l’on a vu, depuis, à l’occasion de fêtes et de commémorations où jadis communiaient ensemble tous les enfants de la patrie, se constituer des cortèges divers parcourant dos à dos des itinéraires différents.

« C’est tout cela qui a provoqué un malaise grave, une préoccupation persistante, un accès d’amertume, pour ne pas dire de découragement.

« La France, justement fière d’un passé séculaire, encore auréolée de la victoire de 1918, marquée par toute son histoire pour la défense des idées libérales devant le monde, saura-t-elle opérer le redressement nécessaire et trouver les