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grandeurs et servitudes

nement réunis en Conseil de Cabinet. Ils approuvèrent l’esprit dans lequel était rédigé mon appel ; mais ils jugèrent préférable de ne pas le rendre public pour ne pas paraître, par la solennité de la formalité d’un message, dramatiser la situation.

M. Doumergue, pour qui j’avais une considération particulière parce qu’il avait été à l’Élysée mon éminent prédécesseur et qu’il avait bien voulu quitter sa paisible retraite de Tournefeuille pour reprendre les charges du pouvoir, me communiqua cet avis qu’il faisait sien. Pour éviter toute apparence de conflit, je n’insistai pas.

En une autre circonstance, à la veille des élections générales de 1936, l’idée m’était venue de parler un soir à la radio comme le faisaient à tour de rôle les chefs de parti. Sans doute, le fonctionnement normal du régime parlementaire s’accommodait-il de ces appels adressés chaque jour au pays.

Une lutte ardente était engagée. Les souvenirs encore vivants de février 1934 animaient les passions. N’appartenait-il pas au chef de l’État placé au-dessus des partis, dégagé de ces passions, de rappeler aux citoyens qu’ils sont tous enfants d’une même patrie, solidaires dans le bonheur et le malheur, qu’ils doivent se faire des concessions, avoir des égards les uns pour les autres, sinon ils risquent de se blesser et de se préparer des lendemains difficiles ?

Je rédigeai un projet d’appel aux Français dans les termes ci-après :

« Vous allez être appelés dans quelques jours à élire vos représentants à la Chambre des députés. Ce n’est dramatiser en rien la situation présente de dire que rarement période électorale s’est ouverte et poursuivie dans des conditions semblables à celles où nous nous trouvons aujourd’hui.

« Au dehors s’accomplissent des événements qui peuvent être gros de conséquences pour l’avenir. À l’intérieur, divers soucis nous assiègent, d’ordre financier, économique et social.

« Comment, dans l’agitation dont s’accompagne fatalement une consultation électorale, venir à bout de telles difficultés et amorcer un de ces redressements dont notre pays a si souvent donné l’exemple dans le passé ?

« Je veux, bien entendu, dans la méditation de quelques