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grandeurs et servitudes

Oui certes, le gouvernement doit, dans sa constitution et la politique générale qu’il poursuit, être en accord avec la majorité parlementaire. Mais il lui faut en même temps pouvoir mener son activité quotidienne en toute indépendance, quitte à répondre ensuite de ses actes.

Il m’est advenu plusieurs fois de suggérer au président du Conseil de prendre telle ou telle mesure qui, comme à moi-même, lui paraissait opportune. Cependant il ne pouvait s’y résoudre, redoutant une interpellation qui, pour une conjonction inattendue d’oppositions diverses, risquait de le mettre en difficulté.

Libération d’une emprise trop étroite des électeurs sur les élus en vue de rendre aux votes de ces derniers une plus grande indépendance, renforcement du pouvoir exécutif, restauration de l’autorité, telles sont les réformes essentielles à réaliser. Chacune d’elles améliorera le fonctionnement de la Constitution de 1875 en fortifiant le rôle dévolu au chef de l’État dans sa fonction de chef du Pouvoir exécutif, et en mettant un terme à l’instabilité ministérielle, ce mal dont souffre notre système parlementaire actuel.

On objecte quelquefois que le président n’use pas des pouvoirs qui lui sont dès maintenant dévolus : droit de message, droit de veto suspensif, etc.

Même l’exercice de ces droits ne va pas sans difficultés. J’en voudrais donner quelques exemples.

Lorsque, après les douloureux événements du 6 février 1934, les Chambres reprirent leurs séances, je jugeai convenable de leur adresser un message.

Rappeler aux élus les devoirs essentiels envers la patrie, condamner les excès des partis conduisant à la guerre civile, exhorter les citoyens aux rapprochements qui s’imposent, c’était bien là le rôle du chef de l’État.

Je rédigeai donc un appel aux Chambres dans les termes ci-après :

« La France traverse un moment critique. Un conflit redoutable s’est élevé entre certains de ses fils. Au lendemain