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grandeurs et servitudes

exemple de laisser-aller, d’abandon ! Sur chaque chapitre et chaque article des divers budgets, un grand nombre d’orateurs intervenaient, la plupart du temps d’ailleurs en faveur d’augmentations de dépenses. Il faut revenir à une notion plus saine. Le Parlement doit consentir les dépenses, mais celles-là seulement que le gouvernement a jugées nécessaires.

Il faudrait également, comme dans d’autres pays à régime parlementaire, faciliter le mécanisme de la dissolution dans le jeu normal de la Constitution. Elle devrait résulter d’un accord entre le ministère et le président de la République mieux placé que quiconque pour apprécier la situation politique véritable du pays. Ainsi se trouveraient par surcroît renforcés sur un point essentiel les pouvoirs du chef de l’État.

Je ne parle pas des modifications à apporter au mode électoral en vue de faire de l’élu le véritable représentant des intérêts généraux du pays et de le libérer des servitudes locales qui souvent faussent son jugement.

Il conviendrait aussi, dans la formation des ministères, d’en revenir à des méthodes plus saines que celles pratiquées dans ces dernières années.

Quand j’étais jeune député, vers 1900, la constitution des gouvernements était entourée d’une certaine dignité. Après la consultation des présidents des Chambres et de quelques chefs de parti, le chef de l’État faisait appeler la personnalité à laquelle il allait confier la mission de former le Cabinet. Après un échange de vues sérieux et prolongé, le futur président du Conseil rentrait chez lui. Sans se laisser troubler par des interventions importunes autant qu’intéressées, il conférait avec ses futurs collaborateurs et en arrêtait en général la liste dans des délais assez courts.

Quelle différence avec les pratiques plus récentes peu dignes du grand acte qu’est la formation du gouvernement !

L’éventuel président du Conseil, après sa désignation, se rend chez lui ou à son ministère, s’il faisait partie de l’ancienne combinaison.

Aussitôt, une agitation désordonnée emplit les cours et jusqu’aux antichambres de l’immeuble. Des photographes, des caméras s’installent. On guette les hommes politiques