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témoignage

émanation directe. Il semblait qu’il fût assuré d’une longue durée. Déjà je me félicitais de n’avoir pas à intervenir de sitôt pour pourvoir à son remplacement.

Or, quelques mois après, sur la question des dettes américaines, il devait se retirer. Ce fut ensuite la cascade des ministères présidés par MM. Daladier, Paul-Boncour, Chautemps, Albert Sarraut, appartenant tous au parti radical-socialiste. Aussi bien, la majorité de la Chambre ne comportait pas d’autre gouvernement. Pourquoi, dès lors, la Chambre contraignait-elle par ses votes à ces changements de ministère où l’on voyait réapparaître à peu près les mêmes hommes ? De là un mécontentement bien naturel et une mauvaise humeur qui allaient se manifester notamment dans les tristes journées de février 1934.

Dans un régime parlementaire bien ordonné, à une majorité politique déterminée comme celle de 1932 aurait dû correspondre une formation gouvernementale permanente assurant pendant plusieurs années la continuité dans la conduite des affaires publiques.

Que faire pour parvenir à un tel résultat ?

Il faudrait d’abord modifier les habitudes de travail et le règlement intérieur de la Chambre : abandonner les fâcheuses séances de nuit où se développe une agitation peu propice à la bonne tenue des discussions et au sérieux des votes ; ne contraindre un ministère à se retirer qu’après un débat de politique générale faisant apparaître un désaccord foncier entre le gouvernement et la majorité de l’Assemblée et non sur un vote secondaire à l’occasion d’un amendement sans importance ; limiter le rôle des commissions parlementaires à l’examen des projets de lois sans en faire des organes de surveillance permanente de la vie des ministres dont l’action est ainsi en partie paralysée, etc., etc…

Les Chambres ne doivent pas siéger en permanence, poursuivre pendant de multiples séances des débats qui eussent gagné à être plus brefs, discuter à tout instant des interpellations s’appliquant à des sujets secondaires. Je me rappelle qu’en juillet 1911, au moment de la constitution du Cabinet Caillaux dont je faisais partie comme ministre des Colonies, le budget de l’année en cours n’était pas encore voté. Quel