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témoignage

invoquée pour libérer la France et la Grande-Bretagne de leur obligation morale au regard de leur propre opinion publique et de celle des États tiers et de la Tchécoslovaquie. Elles doivent à l’opinion internationale de s’élever contre le geste de force par lequel l’Allemagne a ruiné au mépris du droit d’un peuple la base contractuelle d’une première tentative d’entente entre les quatre grandes puissances. Il convient d’élever une protestation formelle. »

À cette même date, le gauleiter Streicher proclame, avec une brutalité toute hitlérienne, que l’affaire de Prague n’est qu’un commencement et que les démocraties finiront par succomber.

Le 17 mars, le ministre des Affaires étrangères invite M. Coulondre à remettre au ministre des Affaires étrangères allemand une note par laquelle le gouvernement français affirme qu’il ne peut reconnaître la légitimité de la situation nouvelle créée en Tchécoslovaquie par l’action du Reich. Le secrétaire d’État, M. de Weiszäcker, fait des difficultés pour accepter cette note. Notre ambassadeur insiste et arrive à ses fins. Il écrit à Paris le 19 mars :

« Plus qu’une nouvelle progression de l’influence allemande en direction de l’est, ce sont les méthodes inqualifiables auxquelles le Reich a eu recours qui marquent la rupture avec la politique de détente inaugurée à Munich. On se trouve en présence d’une situation entièrement nouvelle. En supprimant la Tchécoslovaquie, le gouvernement allemand a fait l’aveu d’appétits annexionnistes jusqu’alors camouflés. S’arrêtera-t-il dans cette voie où le poussent les forces matérielles qu’il a acquises et la griserie du succès ? »

Le 19 mars, le ministre des Affaires étrangères approuve l’ambassadeur d’avoir repoussé l’affirmation de M. de Weiszäcker d’après laquelle il aurait déclaré à M. de Ribbentrop que la Tchécoslovaquie ne saurait plus faire l’objet d’aucun échange de vues. Cette affirmation est démentie par le fait même que le gouvernement français a fait auprès du gouvernement allemand plusieurs démarches sur la question de la garantie des frontières tchécoslovaques auxquelles ce dernier a répondu.