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témoignage

devoir, prononça un discours qui fit quelque bruit. Il y affirmait sa volonté de mettre au point certaines questions concernant la durée du travail pour répondre à des nécessités de la production. Cette initiative eut d’ailleurs le résultat de provoquer la démission de deux ministres. Je me réveillai donc un matin avec cette nouvelle préoccupation d’un gouvernement à compléter. Je me mis aussitôt en communication téléphonique avec le président du Conseil, lui annonçant mon départ immédiat pour Paris. « Inutile de vous déranger, me répondit-il, j’ai pourvu au remplacement de mes deux collaborateurs. Vous trouverez au courrier de demain les deux décrets à signer. »

je pourrais multiplier les exemples d’interventions analogues qui, quoique ignorées, ont eu pourtant des répercussions importantes sur la marche des affaires publiques.

Faut-il, dans les études qui peuvent être entreprises en vue d’améliorer la Constitution, s’efforcer de réserver une place plus grande au chef du Pouvoir exécutif et de lui assigner un rôle effectif plus en rapport avec l’éminente dignité de sa fonction ?

Je le crois souhaitable. Est-ce possible ? L’entreprise est difficile.

Sans doute on peut, allant à l’extrême, imaginer une organisation politique où les deux fonctions de chef de l’État et de chef du gouvernement sont confondues, comme dans la Constitution des États-Unis.

Il ne semble pas que la France puisse s’accommoder d’un régime comportant, comme dans la grande république américaine, le plébiscite pour la désignation du chef de l’État, non plus que la responsabilité des ministres devant ce dernier, en dehors même des Chambres. Le régime parlementaire actuel est entré trop profondément dans nos mœurs pour subir une transformation aussi radicale.

Il n’en est pas moins intéressant de noter que la Constitution américaine a le grand avantage d’assurer au Pouvoir exécutif une continuité inconnue hélas ! chez nous avec nos