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témoignage

La question du haut personnel des Administrations retenait toute mon attention.

Un jour, le ministre des Travaux publics me soumit une série de décrets qui bouleversaient son Administration centrale en appelant aux plus hautes fonctions des hommes peu qualifiés par leur passé, d’après moi, pour les remplir. Ayant occupé au début de ma carrière un emploi d’ingénieur de l’État, très au courant de ce qui se passait dans cette maison si bien ordonnée du boulevard Saint-Germain, averti d’ailleurs par les représentants des associations de personnel du fâcheux effet qu’allait produire telle ou telle nomination, je fis venir le ministre. Je lui expliquai en toute sincérité ma façon de voir ; je l’appelai à réfléchir, lui indiquant d’ailleurs que si, sous sa responsabilité, il maintenait ses propositions, je les approuverais. Le lendemain, il m’apportait de nouveaux projets de décrets inspirés de mes conseils de la veille dont il me remerciait.

Une autre fois, le ministre des Colonies me fit part de son intention de nommer à la direction d’une de nos grandes colonies un fonctionnaire qui, quoique ayant de beaux états de service, me paraissait insuffisamment qualifié pour un poste aussi délicat. Je lui montrai que ce choix n’était pas le plus judicieux qu’il pût faire. Il voulut bien en convenir et envoya à ma signature un décret portant sur une autre personnalité et qui eut mon approbation.

Dans une période où les considérations politiques tenaient une trop grande place à mon gré, le gouvernement avait pris la décision d’éloigner de la résidence générale du Maroc un homme qui, par sa forte personnalité, avait su maintenir l’ordre dans le protectorat. Je fis obstacle à son départ jusqu’au jour où on voulut bien lui donner pour successeur quelqu’un élevé à l’école de Lyautey, contre lequel je n’avais aucune objection à formuler.

Autre exemple encore. Le courrier du ministère des Finances m’apporta un jour un projet de décret organisant au cœur dudit ministère un comité formé de représentants