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grandeurs et servitudes

à ce compte, elle pourrait tout aussi bien soutenir que le président est le chef de la diplomatie et même le chef de tous les ministres, puisque le texte porte, d’autre part, qu’il nomme aux emplois civils et militaires. La Commission a simplement oublié le dernier paragraphe du même article 3 : « Chacun des actes du président de la République doit être contresigné par un ministre, » et aussi l’article 6 : « Les ministres sont solidairement responsables devant les Chambres de la politique générale du gouvernement et individuellement de leurs actes personnels. Le président de la République n’est responsable que dans le cas de haute trahison. » Comment l’autorité ne serait-elle pas là où est la responsabilité ? Le roi d’Angleterre règne, mais ne gouverne pas. Le président de la République préside et ne gouverne pas. C’est l’A. B. C. du régime parlementaire. Je rends à Boudenoot la lettre qu’il m’apporte en le priant d’indiquer à la Commission que l’expression dont elle s’est servie me paraît inconstitutionnelle. Il écrit à Chéron pour l’inviter à venir me voir.


Volume vii.


Page 52. — Nous échangeons également quelques mots sur les rapports des pouvoirs publics en temps de guerre. Le roi des Belges me dit en souriant : « Ce qui complique un peu le métier des chefs d’État, c’est que, lorsque les choses vont bien, on en complimente les ministres et que, dès qu’elles vont mal, on s’en prend au souverain ou au président. » Le roi d’Angleterre m’a fait un jour, avec le même sourire, la même remarque.

Page 124. — Je n’ai pu dormir et je me suis levé de très bonne heure, inquiet de penser que le sort de la guerre allait peut-être se jouer aujourd’hui et tourmenté de ne presque rien savoir des conditions dans lesquelles s’engage la bataille. Je reçois cependant tous les jours, depuis bientôt trois ans, des lettres où je lis : « Vous qui êtes le chef du pays, vous qui pouvez tout, vous qui êtes le maître, vous n’avez qu’un mot à dire. » Pauvres gens, si peu accoutumés à la