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témoignage

aideront-elles dans l’avenir à assurer au chef de l’État des pouvoirs plus en rapport avec sa haute fonction.

Avant de le faire et pour cautionner en quelque sorte mes propres idées, je veux rappeler ce que furent en ce domaine celles de mon éminent prédécesseur Raymond Poincaré. J’ai relu dans ce dessein les dix volumes de ses Mémoires : Au service de la France. J’en ai extrait certains passages où il donne ses impressions sur la situation qui lui est faite.

Tous les Français gardent à sa mémoire une véritable vénération. Nul, même parmi ceux qui ne partageaient pas ses idées politiques, ne met en doute sa sagesse, sa probité d’esprit, sa clairvoyance, son patriotisme. C’est une faveur de pouvoir recueillir les avis d’un tel homme dans une telle matière.

Volume ii (1912).

Page 72. — Rien ne semblait moins fait pour ma nature d’esprit qu’une fonction dont je ne méconnaissais pas la haute autorité morale, mais qui comportait, de la part du titulaire, un perpétuel renoncement à ses propres idées et lui faisait le plus souvent un devoir de l’inaction.

Volume iii (1913).

Page 33. — Je ne me trouvais aucun goût pour un rôle dont je reconnaissais la nécessité et dont j’admirais la grandeur, mais qui, ne comportant aucune responsabilité légale, laissait forcément à celui qui l’exerçait peu d’initiative et d’indépendance. J’avais été ministre pour la première fois sous la présidence de M. Sadi Carnot qui, par son tact, sa discrétion, la droiture de son jugement, m’avait semblé le modèle d’un chef d’État constitutionnel. J’avais été ministre ensuite sous la présidence de M. Casimir-Périer qui, impatient de gouverner, n’avait pas voulu se contenter de présider et s’était évadé de l’Élysée comme d’une geôle. J’avais été ministre encore sous la présidence de M. Félix Faure qui me disait un jour, sous une forme que j’avais peut-être le