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le futur traité de paix

soit possible de trouver un point de rencontre où chacun a consenti certains sacrifices, si du moins on est bien décidé à instaurer un régime international viable.

Je relisais récemment le livre si attachant où M. André Tardieu a résumé en 1921, dans une forme toute de lumière et de précision, les travaux préparatoires de la paix. Déjà s’étaient affirmées entre Alliés des divisions funestes à la mise en œuvre du traité. Les Américains, voués à l’isolationnisme, étaient rentrés chez eux, se désintéressant de l’Europe. La Grande-Bretagne semblait aussi préoccupée d’aider au relèvement de l’Allemagne que de la contraindre à l’exécution de ses obligations.

M. André Tardieu écrivait alors ces lignes prophétiques qu’on ne peut relire sans profit à cette heure :

« Si les Américains souhaitent ne pas revivre les circonstances qui ont amené deux millions des leurs sur la Marne et sur la Meuse, une seule politique, celle qui empêchera ces circonstances de renaître. Or, d’où vient le danger ? Non de la France, certes, qui a trop souffert de la guerre pour ne pas vouloir ardemment la paix, mais de l’Allemagne qui ne rêve que revanche, du pangermanisme qui n’est pas mort. Pour se garer de lui et de ses conséquences, on a fait la guerre, on a fait la paix. Si l’on veut que la paix dure, il faut que l’Allemagne comprenne que la paix est chose sérieuse ; si l’Allemagne ne le comprend pas, si on ne l’oblige pas à le comprendre, tôt ou tard les mêmes causes produiront les mêmes effets, de nouveau les boys devront passer la mer. Pour éviter cela, les États-Unis, maintenant et non plus tard, doivent prendre en face de l’Allemagne leur position. Tout encouragement de faiblesse aux impérialistes allemands est une prime aux complications ; toute division des vainqueurs un germe de guerre. Puisque comme nous l’Amérique veut la paix, qu’elle nous aide à l’exécuter ; c’est la seule façon de la fortifier. Tant qu’elle restera à l’écart, sa puissance fera le jeu de l’ennemi qu’elle combattait hier. Si les Américains n’en sont pas convaincus, menons-les dans cette vallée d’Argonne où 30 000 croix blanches témoignent de ce que l’Amérique a voulu dans le péril. Elle veut la même chose. Il lui reste à vouloir, en les