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« comment mourut la paix »

La guerre est une question de force. Puisque l’Angleterre n’entendait pas s’engager dans ce conflit, la France apportait seule son appui. Avez-vous des précisions sur les forces relatives de la France et de l’Allemagne, notamment en avions et en blindés ?

Silence, lèvement de mains comme pour dire que cela importait peu.

— Je m’étonne, repris-je, que des esprits scientifiques comme les vôtres ne mesurent pas l’importance de la question que j’ai pris la liberté de vous poser.

Et on se sépara.

J’imagine qu’en voyant se dérouler les événements de guerre en mai et juin 1940, mes visiteurs d’octobre 1938 ont compris le sens et la portée de mon observation.

b) Dans un second groupe, le plus nombreux, se rangeaient ceux qui se réjouissaient que la paix eût été sauvegardée, mais qui ressentaient tout de même une légère humiliation. Ils reconnaissaient que si une pareille situation devait se reproduire un jour, elle poserait un problème angoissant auquel il faudrait appliquer une solution autre que celle de Munich.

c) Enfin, il y avait ceux qui, obéissant à des sentiments peu compréhensibles du point de vue français, se félicitaient du résultat des accords. Ils pensaient qu’il faudrait agir de même dans une autre circonstance pareille.

Quoi qu’il en fût de ce passé récent, on paraissait entrer dans une ère de rapprochement entre la France et l’Allemagne.

Après les propos échangés par Hitler et M. François-Poncet au moment où l’ambassadeur, nommé à Rome, faisait ses adieux au chancelier, des négociations furent engagées qui aboutirent à l’accord franco-allemand du 6 décembre 1938.

Comment, après cet accord qui semblait inaugurer une période d’entente entre les deux pays, après la réception de M. de Ribbentrop à Paris et les fêtes données en son honneur, en est-on venu en quelques mois à une atmosphère de guerre ?

Cela tient à ce qu’on ne s’est pas nettement expliqué. Il