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témoignage

trouver Clemenceau et le priai d’obtenir l’introduction dans le nouveau texte d’une clause comportant la restitution immédiate d’un certain cheptel. Il acquiesça aussitôt et s’en ouvrit au président Wilson. Mais celui-ci s’opposa à cette mesure ; c’est là, disait-il, une question à insérer dans le traité de paix et non dans un texte d’armistice. Je priai mon président du Conseil d’insister à nouveau, lui disant qu’en cas d’échec je ne pourrais pas garder la responsabilité de l’administration des régions libérées et que je remettrais mon portefeuille à sa disposition.

Clemenceau avait à ce moment des raisons spéciales de ne pas désorganiser son Cabinet ; il montra à Wilson le danger où le mettait son obstination. Finalement le président américain céda et le texte renouvelé du traité d’armistice comporta la restitution d’un nombre imposant de milliers de chevaux et de bovins.

Je constituai des commissions d’agriculteurs qui s’en allèrent jusqu’en Poméranie présider aux opérations de reprise. Ces dernières se poursuivirent d’ailleurs dans les meilleures conditions. Les animaux étaient chargés aussitôt en wagons qui prenaient le chemin de la France. La distribution s’opérait ensuite et nos écuries retrouvaient un embryon de vie.

Clemenceau, très satisfait des résultats de mon insistance, m’appela désormais, dans cette manière agressive qui ne lui déplaisait pas, « l’homme aux vaches. » Ce dont d’ailleurs je me faisais un titre de gloire.

Première mesure à appliquer sans retard pour empêcher les destructions et les camouflages : restitution intégrale.

Puis livraisons en nature. Avec ses mines de houille et de lignite produisant annuellement près de 300 millions de tonnes (le professeur docteur Karl Lehmann a évalué récemment à 456 milliards de tonnes les réserves de houille du Reich jusqu’à une profondeur de 2 000 mètres), ses riches gisements de potasse, ses grandes usines de carburant synthétique, ses immenses aciéries capables de suffire aux besoins civils des pays qui l’entourent, ses fabriques de matières colorantes, de produits chimiques, de machines-outils et autres outillages, l’Allemagne est à même de cou-