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le futur traité de paix

à l’usage des jeunes Allemands des manuels inspirés des principes de vérité et de droit.

L’Allemagne, y sera-t-il dit, est un grand pays qui a droit à l’amour de ses fils. Par ses qualités de travail et de discipline, elle a fait et peut accomplir encore de grandes choses. Mais elle a aussi ses faiblesses. Elle n’a aucun droit à la maîtrise du monde. Rien ne justifie cet orgueil malsain qu’on essayait naguère de lui insuffler. La preuve en est que, dans deux grandes guerres où elle s’était engagée pour soumettre à sa loi d’autres peuples, elle a été battue. Ses armées, pourtant portées au plus haut point de puissance, ont dû déposer les armes à la suite de défaites retentissantes. Ses généraux ont été contraints de s’avouer vaincus. L’Allemagne doit à ses chefs d’avoir été précipitée au fond de l’abîme où elle gît en ce moment. Il n’est pour elle qu’un moyen de redressement : accepter les règles de vie internationale communes à tous les peuples, reprendre au milieu d’eux sa place, sa juste place, sans autre ambition que celle de réaliser dans la paix son idéal de bon Allemand.

Il conviendra également de présenter dans une brochure spéciale le tableau des crimes abominables accomplis par l’Allemagne pendant les cinq années de guerre, l’histoire des millions d’habitants des pays occupés assassinés dans des conditions de sadisme et de cruauté dépassant toute imagination. Les professeurs dans les universités, les maîtres dans les écoles devront chaque année lire à leurs élèves un tel document. Peut-être prendront-ils ainsi le dégoût du régime qui n’a pas hésité à mettre leur pays au ban de l’humanité.

Quand, pendant quelque vingt années, la jeunesse aura été soumise à cet enseignement, quand des générations auront subi ce drill spirituel, sans doute se trouvera-t-on en présence d’une Allemagne guérie de ses aspirations diaboliques. Elle reprendra tout naturellement à la Société des Nations la place qui lui aura été réservée. Le monde connaîtra enfin une vie calme et paisible.

N’est-ce là qu’un beau rêve ? Ce rêve peut-il devenir réalité ? En tout cas, une chose est certaine. Si l’Allemagne est laissée libre, comme par le passé, d’enseigner à ses fils l’abominable doctrine qui fait de la force la loi suprême,