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témoignage

ne pas créer une nouvelle Alsace-Lorraine, ferment de discorde pour l’avenir. Si on met à sa charge, ce qui est bien naturel, le payement d’une part importante des réparations, on rééditera les théories fallacieuses de MM. Keynes et consorts sur la capacité de payement et l’impossibilité pour l’Allemagne de payer tant qu’on n’a pas rétabli d’abord sa puissance économique. Si on pousse assez avant le désarmement, on dira qu’un grand peuple fier et indépendant ne peut vivre exposé aux coups de ses voisins et qu’il faut lui laisser une armature suffisante. Si on prétend punir ses criminels de guerre, on invoquera les haines prolongées qui en résulteront et l’obstacle ainsi mis au rapprochement nécessaire des peuples.

Il faudra fermer obstinément l’oreille à ces récriminations et imposer à l’ennemi vaincu toutes les mesures, si rigoureuses soient-elles, de nature à atteindre coûte que coûte le but cherché : l’empêcher à jamais de recommencer sa criminelle agression.

Chapitre des frontières. — Il ne s’agit pas de dépecer l’Allemagne comme certains l’ont proposé. C’est poursuivre une chimère que de tenter d’empêcher de se réunir des peuples qui veulent vivre sous la même loi. Mais il faut lui imposer des frontières qui la gênent dans ses volontés d’agression et soient autant de garanties pour ses voisins.

La question du Rhin doit notamment recevoir cette fois la solution envisagée mais non admise en 1919.

La Grande-Bretagne, sous les attaques des V 1, V 2, etc…, lancés de Belgique, de Hollande et du nord de la France, a pu se convaincre que sa propre frontière est sur le Rhin. Les États-Unis eux-mêmes ont connu la menace des submersibles basés dans les ports de l’Atlantique. Les Anglo-Saxons doivent donc être d’accord avec la France pour installer une force internationale dans la vallée du Rhin et assurer l’occupation des ponts du grand fleuve.

À ceux qui trouveraient cette mesure excessive, on peut recommander de lire les prévisions que faisait Daniel Freymann en cas de victoire allemande dans l’autre guerre :

« Le traité de Francfort a été d’une modération inexcusable ; il faut réparer la faute que nous avons alors commise.