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le futur traité de paix

et fièrement sur les champs de bataille à côté des étendards alliés.

Les prévisions pessimistes du maréchal ne sont pas seulement empreintes d’injustice. L’avenir montrera qu’elles sont fausses et je souhaite à l’orateur sud-africain de vivre assez longtemps, malgré son grand âge, pour assister à l’effondrement de son système d’après-guerre.

Ce système semble basé avant tout sur la force. Quand les trois grandes nations : États-Unis, Grande-Bretagne et Russie auront gagné la guerre, dit-il, il leur appartiendra d’ordonner la vie internationale. Le régime de la force continuera donc dans la paix comme dans la guerre.

En vérité, si ce sont là les perspectives que nous ouvre la vision smutsienne, il n’y a pas lieu de s’en réjouir. Ce ne serait pas la peine d’échapper à l’oppression de l’axe pour retomber à la merci de celle d’une autre coalition. La victoire des Alliés n’aura de sens et de valeur que dans la mesure où elle rendra la liberté et l’indépendance à toutes les nations, grandes, moyennes et petites, leur permettant de tenir leur place et de jouer leur rôle dans la vie internationale de demain, chacune d’elles y participant dans la mesure de ses capacités matérielles et morales. Ce sont d’ailleurs là les principes qui ont été nettement affirmés dans la Charte de l’Atlantique et réaffirmés depuis dans diverses circonstances par MM. Churchill et Roosevelt. Rien ne permet de douter de la parole de ces éminents hommes d’État.

Dans ce concert des nations, la France réclame sa place, sa juste place. Elle ne sera pas longue à la reconquérir, le jour où elle aura été libérée et où elle aura retrouvé l’exercice normal de ses activités dans tous les domaines. Au cours de son Histoire, elle a connu à diverses reprises des périodes douloureuses, elle s’en est toujours relevée avec une rapidité qui a fait l’admiration de ses amis et l’étonnement de ses adversaires. Voici longtemps déjà que le cardinal de Richelieu disait dans son testament politique : « Si notre inconstance naturelle nous jette souvent en des précipices effroyables, notre légèreté même ne nous permet pas d’y rester et elle nous en tire avec une telle promptitude que nos