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témoignage

continent, je ne dis pas une armée égale à la nôtre, mais plus en rapport avec ses devoirs internationaux que les dix malheureuses divisions qui s’y trouvaient en mai 1940, si même, au cours de la bataille de France, elle avait bien voulu envoyer pour lutter avec nos armées ses mille avions de combat qui, quelques semaines plus tard, devaient gagner si glorieusement la bataille d’Angleterre contre la Luftwaffe, la France aurait pu tenir une place honorable dans la lutte mondiale qui s’engageait. Comme en 1914-18, son sol eût connu l’invasion ; il aurait, une fois de plus, servi de champ de bataille aux forces de liberté en lutte avec celles de l’oppression, mais, comme en 1914-18, elle n’aurait pas eu à supporter un choc auquel, seule, elle ne pouvait résister ; elle aurait tenu son rang dans la victoire commune.

Aussi bien, si le maréchal avait fait appel à ses souvenirs de l’autre guerre, il se serait évité de commettre une injustice. Le rôle de la France a été alors assez prédominant, son héroïsme assez reconnu de tous pour que, même après l’échec de 1940, elle ait toujours le droit de se parer de la gloire qu’elle sut alors gagner sur les champs de bataille. Que serait-il advenu, lorsqu’aux tristes journées du printemps de 1918 le front britannique s’effondrait devant Amiens, si nos petits soldats ne s’étaient jetés dans la fournaise avec une furia toute française, s’il ne s’était trouvé un Clemenceau et un Foch pour ranimer les courages et parer aux mouvements de retraite qui eussent occasionné un Dunkerque vingt-deux ans avant celui de 1940 ?

Sans doute, ce sont là des souvenirs d’un autre temps. Mais il est tout naturel de les évoquer. Quand, plus tard, l’Histoire voudra juger sainement notre époque, il lui faudra faire un tout des deux guerres et de l’entre-deux guerres, rapprocher les efforts, les mérites, les fautes, les abandons des uns et des autres. Quand on voudra bien mettre le tout en balance, la part réservée à la France ne sera pas la moindre.

Aussi bien, son armée a déjà en partie réparé le désastre essuyé sur la Meuse. Sa part prise aux victoires d’Abyssinie, de Lybie, de Tunisie et d’Italie efface la tache qui souillait son drapeau. Il a maintenant le droit de flotter librement