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témoignage

de contrainte, si, en un mot, dans tous ces domaines où s’inscrivait pour le lendemain la paix ou la guerre suivant les solutions adoptées, ils avaient fait preuve du réalisme où les poussait la France mieux placée que quiconque pour connaître et juger les événements d’outre-Rhin, peut-être eussent-ils empêché le nouveau cataclysme de s’abattre sur le monde.

Cette constatation donne à la France le droit de réclamer sa place, toute sa place, dans le concert des nations pour l’établissement de la paix future. Sans doute le nombre des bataillons et le poids des matériels engagés par elle dans la bataille que couronne la victoire la qualifient-ils moins que d’autres pour s’asseoir autour du tapis vert ; mais elle peut se réclamer d’autres qualités qui ne sont pas d’un moindre prix.

Au moment où la France voit s’ouvrir devant elle cette espérance qui lui restitue un des aspects de sa grandeur perdue, retentit dans le ciel d’Europe un propos pour le moins inattendu du Premier ministre de l’Union sud-africaine qui jette dans son âme un trouble profond.

Le maréchal Smuts, au cours d’un discours prononcé devant l’assemblée parlementaire de l’Empire aurait dit, d’après ce qui vient d’être publié, que la France a cessé de compter pour longtemps comme grande puissance au même titre que l’Allemagne et l’Italie et qu’elle ne reviendra sur la scène qu’après une longue et pénible ascension, si jamais elle y parvient.

Au moment où les anciens Alliés de la France devraient avoir à cœur de la soutenir et de l’aider matériellement et moralement dans sa détresse, c’est une véritable faute, pour un membre du Commonwealth, de se laisser aller à des propos aussi inconsidérés, surtout quand on occupe la haute situation du maréchal. Il convient toutefois, dans l’appréciation de cet événement, de ne pas se laisser trop impressionner et de garder son sang-froid, surtout après les multiples mises au point qui ont suivi.

Sans parler de l’espèce de désaveu qu’une partie importante de la presse britannique a infligé aux propos du maréchal, il faut rappeler que M. Attlee, vice-premier ministre,