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témoignage

le fleuve à la traversée des grandes villes, aérodromes de plusieurs kilomètres de développement, cars immenses, presque vides, parcourant sans cesse ces régions.

Bref, l’œil le moins averti ne pouvait pas ne pas voir dans toutes ces dispositions hors de proportion avec les besoins du temps de paix une véritable adaptation du pays en vue d’une période de mobilisation. Cependant l’article 43 du traité interdisait le maintien de toutes les facilités matérielles de mobilisation dans la zone démilitarisée.

Aussi le général commandant l’armée du Rhin pouvait-il dès 1927, dans un document secret adressé au gouvernement français, écrire ce qui suit :

« Les renseignements recueillis par mon état-major concordent pour établir que le gouvernement allemand poursuit l’exécution d’un plan qui vise à constituer, en territoires occupés et dans les différents domaines de l’activité militaire, une force capable, le cas échéant, d’intervenir rapidement contre nous. Cet effort de réorganisation de sa force militaire, le gouvernement du Reich le poursuit depuis longtemps en Allemagne non occupée. Pendant longtemps la Rhénanie était restée en dehors de ce mouvement, il n’en est pas de même à l’heure actuelle. De nombreuses organisations ont surgi en territoire occupé dont le but est d’assurer le recrutement et l’instruction de la jeunesse en vue de la rendre capable d’être utilisée immédiatement pour des buts militaires. La présence, dans les territoires occupés, de l’armée alliée d’occupation, a du moins pour effet d’entraver le développement d’un programme dont rien ne pourra plus paralyser l’exécution, après l’évacuation des territoires rhénans par les forces alliées. »

Dans le même temps Aristide Briand, président du Conseil, disait, à en croire Stresemann :

« Avec les techniciens, il n’y a rien à faire. Quand, pour la première fois, je me suis occupé de la suppression du contrôle militaire, notre ministère de la Guerre m’a remis des kilos de documents relatifs aux manquements allemands. Je les ai jetés dans un coin, j’ai demandé qu’on m’indiquât les questions importantes restant à régler et j’ai refusé de m’occuper de ces vétilles. »