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témoignage

absolues qui avaient ses préférences ; souvent il a dû se contenter d’un compromis entre les tendances des membres de la Commission. Leurs divergences de vues favorisaient la résistance allemande qui ne manquait pas d’en jouer habilement pour résister à certaines clauses du traité.

Car le Reich, est-il besoin de le dire, recherchait toutes les occasions de lui faire échec. Il s’inspirait de la pensée de Stein conseillant à son roi de violer la Convention de Paris de 1808 :

« En signant le traité pour le déchirer si une guerre éclate entre la France et l’Autriche, disait-il, Votre Majesté ne fera que se protéger par la ruse contre la scélératesse et la violence. Est-ce donc seulement à l’empereur Napoléon qu’il sera permis de substituer l’arbitraire au droit et le mensonge à la vérité ? »

Puisque le traité a été imposé par la force, disait-on, il ne lie le vaincu que dans la mesure où celui-ci est contraint de l’exécuter. Y faire obstacle, c’est accomplir un acte de patriotisme.

Le gouvernement allemand mit toute sa ténacité, écrit encore le général Nollet, à multiplier les difficultés sous les pas de la Commission, depuis les mille obstructions de la vie quotidienne portant sur l’interprétation des textes, les artifices de procédure, l’exécution des opérations de contrôle dans les casernes et les usines jusqu’à des actes plus importants comme le camouflage dans les caves d’un immeuble de Rockstroh, en Saxe, de 600 tubes d’obusiers de 105 neufs.

Il faudrait parler aussi des manifestations d’hostilité auxquelles furent exposés des membres de la Commission, surtout pendant la période d’occupation de la Ruhr : à Kœnigsberg, sévices sur les personnes ; à Munich, chambres envahies la nuit avec effraction ; refus de nourriture par les hôtels de la ville ; dans les restaurants, écriteaux promettant cent marks à qui cracherait dans le plat d’un Français. Il fallut à nos officiers une grande force d’âme, une dignité et un calme parfaits pour faire face pendant sept ans (car telle fut la durée des travaux de la Commission) et imposer le respect de l’uniforme français.

En tout cas, il suffit de jeter un coup d’œil sur les budgets